Chers lectrices et lecteurs,
Nous vous livrons les propos du Docteur Sara Bahadori pour bien vivre cette période étrange de confinement avec des adolescents … nous les trouvons très justes et souhaitons vous en faire profiter. Bonne lecture !
« Conseils pour les parents d’adolescents
Chers parents,
Vous voilà donc confinés avec votre ou vos adolescents à la maison et vous vous dîtes que cette situation va devenir difficile. Comment gérer dans un espace clos un adolescent qui a ses propres centres d’intérêt et son besoin d’autonomie ?
Voici donc quelques conseils et recommandations qui peuvent être utiles en attendant la levée du confinement.
Tout d’abord, si votre enfant a un traitement médicamenteux, ce traitement doit être poursuivi. Les ordonnances périmées pourront être utilisées en pharmacie pour la délivrance du traitement.
Le médecin de votre enfant pourra aussi effectuer une téléconsultation si besoin et vous envoyer une nouvelle ordonnance par email.
S’il bénéficie de séances avec un psychologue, prenez contact avec ce dernier pour savoir si votre enfant peut avoir ses séances en téléconsultation.
Dans un contexte de confinement strict il faut viser trois objectifs :
1) Se protéger de l’anxiété.
2) Garder un rythme de vie stable, s’occuper et faire de l’exercice.
3) Eviter les complications relationnelles du huis clos.
Voici 5 axes pour vous aider :
1) Se prémunir du stress inutile généré par la télé
Evitez de laisser les chaines d’information tourner en boucle ; vous n’y apprendrez rien de plus. En revanche, cela rend vulnérable au stress et cela risque de générer une anxiété inutile.
Préférez des sites officiels d’information en ligne (AFP, sites gouvernementaux) que vous ne consulterez qu’une à deux fois par jour (il faut aussi ménager votre anxiété).
Pour la télévision, il vaut mieux privilégier des contenus plus récréatifs et légers (séries, films etc.).
2) Organiser le quotidien
Faire des emplois du temps. Pour la maison, affichez les horaires de la famille : horaires de lever, de coucher, de repas, etc., et les temps de sortie (courses, promenades du chien, etc.).
Attention, il s’agit de garder un rythme raisonnable, pas de faire un conditionnement militaire ! Soyez souple.
Pour chaque enfant faites un emploi du temps de la semaine, le plus « visuel » possible. L’information visuelle est plus efficace et facile à suivre. Notez-y du temps d’école, de sport ou d’activité physique, de sortie lorsque cela est possible, en veillant à respecter les règles de distanciation et de confinement. Organisez quelque chose d’aéré.
Eviter le sentiment d’injustice : Exemple de la lutte pour la télécommande. D’habitude, entre le travail et l’école, les écrans collectifs (télé, ordinateur du salon) sont un enjeu minime. Un équilibre précaire s’installe plus ou moins tout seul. En cas de confinement, ces objets deviennent une « ressource », et donc potentiellement un enjeu de « lutte de pouvoir ».
Il est donc important d’instaurer des règles dès le début : qui est prioritaire et à quel moment ? Quels sont les horaires de chacun avec des règles de priorité et des temps impartis pour chacun afin d’éviter les vécus d’injustice. Ces règles doivent être clairement affichées pour éviter les litiges. Et pourquoi pas un emploi du temps d’occupation de chaque appareil ?
Enfin, présentez à tous ce nouveau fonctionnement lors d’un temps collectif agréable (dessert en famille, etc.)
L’école à la maison. Il est recommandé pour votre ado de continuer à avoir une activité scolaire quotidienne.
Or, s’il est important d’être assez strict sur les horaires, vous pouvez vous montrer plus souple dans les modalités. Pas besoin de reproduire une salle de classe et de rester assis 4h sur une chaise. Il peut apprendre en regardant des cours en ligne, des émissions scientifiques ou de culture générale, il peut écouter des audio-livres, il peut travailler debout en écrivant sur un tableau velleda, faire des activités avec vous, comme par exemple adapter une recette de cuisine ou monter un circuit électrique avec des piles (vous trouverez plein de tutoriaux sur internet). Vous pouvez lui faire apprendre les leçons à l’oral. Vous pouvez transformer la leçon de philo en discussion autour d’un thème.
Mais attention, ne soyez pas sur son dos ; ne cherchez pas à lui faire rattraper son retard en Espagnol ou en Mathématique. L’important c’est qu’il garde un rythme et apprenne dans le plaisir.
Optimiser le temps. Puisque vous êtes coincés chez vous, autant faire tout ce que vous n’avez pas le temps de faire tout au long de l’année : faire du vide dressing, trier la boîte à pharmacie, jeter les magazines qui ne servent à rien, faire un nettoyage de printemps, vous mettre à l’aquarelle – pourquoi pas ! Si vous avez la chance d’avoir un petit extérieur, vous pouvez faire un peu de jardinage.
Ces activités peuvent être partagées avec les adolescents, qui peuvent avoir l’occasion de montrer leur force physique ou leur capacité à prendre des initiatives utiles. Quand il y a des fratries, cela peut s’avérer intéressant de leur donner de petites responsabilités. Vous pourrez ensuite le féliciter de s’être montré digne de confiance.
Le sommeil. Les adolescents ont un décalage de phase physiologique ; ils sont naturellement « couche tard lève tard ».
Avec le confinement et la perte des routines cela va s’accentuer. Si vous ne voulez pas que votre ado se transforme en oiseau de nuit, évitez la surconsommation de tablette et de téléphone le soir, et instaurez un couvre-feu de connexion.
MAIS, étant donné les besoins spécifiques de cette période un peu étrange, le couvre-feu peut être plus tard, vers 21h/22h, pour que votre adolescent puisse se détendre, être avec ses copains ou tout seul. Il pourra aussi se réveiller plus tard le matin. Donc pas de cours de maths ou de tonte de gazon à 8h du matin ! Il a besoin de dormir le matin pour être moins impulsif, plus serein et plus organisé.
Il faut trouver un compromis entre son rythme physiologique, et le fonctionnement de la maison.
3) Un temps pour chaque chose et un temps pour soi.
Créer du temps collectif agréable. Inventez-vous l’équivalent des soirées de colo : soirées home cinéma, karaoké, jeux de cartes etc. plusieurs fois par semaine, mais pas tous les jours.
Respecter le temps de solitude de chacun. Tout comme vous, votre adolescent a besoin de temps de solitude où il n’est pas sollicité et où il peut se détendre à sa guise ou contacter ses copains. Si vous ne voulez pas que ces temps débordent, il faut les formaliser avec lui : tous les jours de telle heure à telle heure, par exemple. Mais une fois formalisé, il est impératif de respecter son temps de solitude. C’est-à-dire ne pas entrer dans sa chambre, ne pas le solliciter, ne pas « en profiter pour… ».
Ce temps lui est indispensable pour s’apaiser. Il faut lui laisser deux bonnes heures de temps pour lui par jour minimum.
Ne cherchez pas à être tout le temps ensemble. Autorisez-lui une à deux soirées par semaine où il ne dîne pas avec vous et reste dans sa chambre, pour être tranquille ou en sortie virtuelle avec ses amis.
4) De la discipline, mais tout en douceur.
Les adolescents ont un fonctionnement particulier qui s’accentue en période de stress.
Pour les gérer, surtout dans un contexte inédit, il faut comprendre leur fonctionnement. Les adolescents ont énormément besoin de socialiser avec leurs pairs, ont tendance à « marquer leur territoire » vis- à-vis des autres membres de la fratrie, et, en contexte de crise, ils vont défier l’autorité.
De plus, ils ont un mal fou à contrôler leur impulsivité, et vont avoir du mal à se désengager d’un conflit. Au pire, ils vont aller vers l’escalade.
En revanche, ils restent sensibles aux marques d’affection et ont besoin de valorisation positive (même quand ils ne le montrent pas ou semblent le refuser). Voici donc quelques conseils qui tiennent compte de ces éléments.
Ne pas chercher à ce qu’il soit irréprochable. Un huis clos est une cocotte-minute. Si la vapeur ne sort pas par le sifflet, la cocotte explose. Si votre ado marmonne dans sa barbe, ou boude dans son coin, octroyez-lui ce droit. Tant qu’il ne vous affronte pas ouvertement ce n’est pas grave. Soyez intransigeant pour les choses qui en valent vraiment la peine et qui auront des conséquences négatives tout de suite.
Le Féliciter et le Valoriser. Il est primordial de souligner les efforts que fait votre ado, même si cela vous apparait « naturel », car rien n’est naturel quand on est confiné.
Du temps pour socialiser. Votre adolescent va devoir renoncer à sa vie sociale, et cela va être très dur pour lui et générer une grande tension. Autorisez des temps où il peut être avec ses copains via les réseaux sociaux, en visuo ou au téléphone.
Intéressez-vous à lui, mais n’attendez pas qu’il vous accueille à bras ouverts ! Le cerveau d‘adolescent est partagé entre le besoin d’être maître de son propre destin et l’envie d’être encore l’enfant chéri de ses parents. En offrant de partager ses activités, vous lui donnez le signal que vous avez encore de la tendresse pour lui. Il en prend note et ça lui fait plaisir. En vous disant non, il se prouve à lui-même son autonomie. Ne soyez pas vexé, au contraire réjouissez-vous, car vous avez atteint votre but qui est de lui faire du bien.
En cas de crise explosive à la maison : votre meilleure stratégie c’est la désescalade. A l’apogée d’une dispute les ados ont souvent cette phrase exaspérante : « c’est bon ». Ce à quoi on répond invariablement « non ce n’est pas bon » et on continue le sermon ! Or, cette phrase est un appel à l’aide pour dire : « je peux encore accepter la désescalade, envoie-moi dans ma chambre ».
C’est une offre de trêve, prenez-là ! Que chacun s’isole et on rediscutera de tout cela quand les esprits seront refroidis. Cette mise à distance est également bonne pour vous. Occupez-vous à autre chose, promener le chien, prendre une douche.
Quand tout le monde est calme, proposez la réconciliation. Ce n’est pas un signe de faiblesse, c’est un signe de maitrise mature du conflit.
5) Enfin, Ménagez-vous !
Prenez du temps pour vous, méditez ou faites de la cohérence cardiaque deux fois 5 minutes par jour. Vous trouverez sur internet un outil qui vous convient. Faites un peu d’exercice tous les jours. Il existe sur internet des programmes rapides journaliers.
Commencez quelque chose de nouveau, quelque chose dont vous avez envie depuis longtemps. Quand on travaille, on se plaint toujours de ne jamais avoir le temps pour rien. En confinement ce temps c’est un luxe offert ! »
Merci Docteur Bahadori pour vos précieux conseils et bon courage aux parents !
Evelyne
Source : Madame Anne-Sophie Quesson – Dipl. Psych.
PS : Pour plus d’infos sur la crise du coronavirus à Munich suivez ce lien.